Premier bivouac

En presque trois mois ici, je n'ai toujours pas eu le temps (ou plutôt l'occasion) de bivouaquer sur l'île ! Et pourtant, à écouter tous les copains, on bivouac à Mayotte comme on irait boire un verre à Paris, ou comme on irait faire un Feist noz à Brest ! Heureusement, la venue à Mayotte de Delphine ma fillotte de Paris, et celle de Vince, un ami de Marseille m'ont mis un bon coup de motivation.

Alors ni une ni deux, petit coup de fil à la Référence en matière de sorties sur l'île : "Allô Tony La Buchette ? Un petit Bivouac vendredi ? Acoua ? 30 minutes de Kayak pour arriver à une petite plage paradisiaque ? Des espagnols ? Ton coloc ?", et c'était parti ! Rendez-vous fixé en début d'après-midi à la plage d'Acoua, dans le Nord-Ouest de l'île, nous y retrouvons Tony, Claude son coloc, deux espagnols et couchsurfing, et Emma (si si, vous vous souvenez, une de VSC de l'an dernier qui a décidé de rester à Mayotte cette année, je vous l'ai présentée dans mes deux premiers articles !).

Mais qui est Tony ? J'ai rencontré Tony grâce aux scouts. Animateur depuis la première année à Mayotte (il y a trois ans !), il s'occupe des enfants de 11 à 14 ans. En septembre avec lui et ses jeunes, nous sommes partis avec Indiana Jones dans la jungle pour récupérer une petite statuette, que nous avons pu récupérer en permettant à deux chefs de tribus de trouver l'amour !Quel week-end ! DJ à ses heures, et fin cordon bleu, il ne connait qu'un vice : il est fan de Miss France !

A peine la petite troupe constituée, il était temps de sauter dans les kayaks et de filer, plein Sud, vers notre petit havre de paix. Delphine comme co-pilote, nous pouvions admirer du large la côte mahoraise, sous les belles couleurs du soleil déclinant. En une bonne demi-heure, nous accostons. Tony ne nous a pas menti. Isolée par les arbres, la jolie petite plage de sable blanc, déserte, nous fait nous sentir comme des naufragés débarquant sur une île déserte. Des coquillages partout au sol, l'eau limpide, des étoiles plein les yeux nous partons en expédition bois. Car ce soir, c'est feu de camp sur la plage, viande grillée et punch. Certains prennent le ramassage de bois au sérieux, d'autres semblent moins à l'aise (il faudra expliquer à Vince que le bois vert ne brûle que très moyennement), mais nous arrivons vite à des réserves suffisantes.

   

Pendant ce temps, Tony reste sur la terre ferme pour nous préparer un feu digne de ce premier bivouac. Un feu, des grillades, une bande de joyeux lurons, une ou deux bouteilles de punch maison et 25 °C le soleil couché, la soirée peut commencer. Alors, avant de perdre les derniers rayons de soleil, nous filons tous à l'eau. Premier bain dans le lagon pour Delphine ! On n'y voit pas grand chose, et pourtant, voir sa mine réjouie en sortant de l'eau me donne hâte de voir sa tête à N'Gouja.

 

La lune est magnifique au dessus de l'horizon, éclairant si intensément le sable blanc de notre petite plage de paradis. Le ciel bleu nuit est constellé d'étoiles. Je me suis rendue compte ici dès les premières semaines que, sans y prêter attention, les étoiles du lieu où l'on vie nous sont familières. Ici, les croissants de lune ne sont pas verticaux mais horizontaux, de sorte qu'il m'est possible d'imaginer où a pris naissance le sourire du Cheshire Cat de Lewis Caroll. Impossible de reconnaître la moindre constellation, tout dans ce ciel est nouveau et à découvrir.

Plongée dans ces réflexions, j'en profites pour aller marcher un peu le long de la plage. Jouant avec les ombres, mes yeux buttent sur quelque chose d'étrange, à la limite de l'eau. Comme une énorme trace de pneu dans le sable. Je m'approche, encore à moitié des mes pensées, et je sursaute !! Une énorme tortue verte a émergé de la mer, et commence à remonter la plage pour aller pondre ! La pauvre a aussi peur que moi, et fais immédiatement demi-tour pour retourner à l'eau. Vite, vite, je vais chercher Delphine, et la guide les yeux fermés jusqu'à la tortue. Soupir d'extase en enlevant ses mains et en découvrant l'animal ! Des étoiles dans les yeux (il y en avait vraiment partout cette nuit-là !), nous retournons à la fête avec notre petite troupe. 

Après un bon repas et plein de jolies discussions entrecoupées de rires, chacun trouve une petite place sur une natte, une bâche, ou directement sur le sable frais. Bercés par le bruit de la marée montante, les étoiles pour veilleuses, morphée nous accueillit bien vite dans ses bras...

... Mais pas pour longtemps ! Des bruits étranges, je lève la tête et vois, juste au dessus de nos tête la grosse tortue de tout à l'heure en train de creuser un nid pour y pondre. Delphine se réveille, et quelques autres membres de notre troupe vont jusqu'à s'approcher d'elle. Émerveillées, Delph et mois observons la scène avec un sourire jusqu'aux oreilles... jusqu'à ce que l'un des joyeux campeurs ait la peu brillante idée de prendre une photo de la pondeuse avec un flash. Bien sûr, elle cesse sa ponte, et file aussi vite qu'elle peut vers la mer.

Tout le monde se rendort ou du moins essaye. Au milieu de la nuit, Delphine se réveille, ayant senti un coup de pied que je lui aurait donné en dormant. Je me réveille aussi, à cause de bruits étranges à nouveaux. Nous ouvrons les yeux, et à nos pieds, nous découvrons notre tortue prête à nous marcher dessus pour traverser la bâche jusqu'au haut de la plage. On s'écarte, on se pousse, et la tortue tente de couper par la gauche... en escaladant Emma qui dormait là : "On la réveille ? On la rréveille pas ? Si il faut qu'on la réveille, sinon elle va déranger la tortue !". Réveillée en sursaut nous voilà toutes les trois à regarder la grosse bébête faire demi-tour, contourner Vince, et aller creuser un nouveau nid à côté du précédent. Il s'agit d'un travail de longue haleine que la ponte pour une tortue marine. Monter jusqu'au haut de la plage à la force de ses nageoires, puis creuser un trou profond, pondre des dizaines d'oeufs, les enfouir, puis redescendre jusqu'à la mer. Tentant de nous rendormir, nous n'avions qu'une hantise : que la tortue redescende à la mer par le chemin le plus court, c'est à dire en marchant sur nos têtes. Mais loins de nous déranger de nouveau, elle fit doucement le tours, et repartis vers la mer comme elle était venue.

Après une courte mais incroyable nuit, les premiers rayons de soleil sur la plage vinrent nous caresser les paupières pour nous réveiller. Fatigués, le même sourire illuminait tous nos visages, ravis face au spectacle : ouvrir les yeux et découvrir le ciel bleu, la mer et la forêt pour seuls murs.

   

Ramassage de coquillage, petit dej au travers de porc, lavage de dents à l'eau salée, petit plouf pour bien se réveille et tous aux canoës pour partir vers une autre mini plage un peu plus loin. Et là ! Que découvre-t-on avec Delph !? Un assemblage de deux communautés d'ophiures !!! Les ophiures, cousines des étoiles de mer, des concombres de mer et des oursins, je les connais bien car j'ai fait mon stage de fin d'étude sur l'écologie d'une des espèces retrouvées sur nos côtes bretonnes.

 

Le temps de re-faire un plouf, de regarder ces petites bêtes poilues et de faire quelque photos, et retour vers la terre ferme, retour à Acoua. 

Il était alors temps de se dire au revoir autour d'un petit verre en bord de plage, avant de rentrer en stop jusqu'à Mamoudzou (le Dimanche, pas de taxi ;).

Pour sa deuxième soirée à Mayotte et mon premier bivouac, Delphine et moi avons pu vivre des aventures incroyables ! Alors vous qui hésitez encore à venir me voir... Caribou ! ;)