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365 jours à Mayotte
15 novembre 2016

La tête dans les nuages

Les BadamiersAprès plusieurs mois de découverte de ce qui se trouve sur le sol du petit caillou de Mayotte, et d'exploration de ce qui se cache sous la surface de l'océan, il est temps pour moi de m'intéresser à ces incroyables animaux qui, d'un battement d'aile, s'envolent plus haut que bien des esprits, et sont capables de parcourir des milliers de kilomètres chaque année, trouvant à Mayotte un asile pour se reposer avant de continuer leur course.

Papani

      

 

Avec la venue de ma petite fillotte, Delphine, et ma récente découverte de l'association GEPOMAY (Groupe d'Etude et de Protection des Oiseaux de MAYotte), toutes les conditions étaient réunies. Alors ni une ni deux, un petit coup de téléphone, et nous voilà partie, 7 h du matin heure locale, pour une journée sur Petite Terre à la recherche de ces drôles de bestioles à plumes. 

Papani

A l'Amphidrome, reliant Mamoudzou à Dzaoudzi, nous retrouvons Alexis, sa soeur et son beau-frère, la fine équipe pour cette journée d'observation des oiseaux marins de Mayotte. Un petit coup de bateau pour se réveiller doucement les mirettes, les oreilles, et laisser les rayons de soleil du matin caresser doucement nos épaules et nos visages encore endormis, et nous voilà dans notre grand terrain de jeu.

Première étape : la plage de Papani. Tout au Nord de l'île de Petite Terre, Papani vient de "Papa", en mahorais "requins", et de "ni", "là où il y a". Vous l'avez compris, on parle bien de la plage "où il y a des requins". Mais pas de panique, la barrière de corail nous protège, et de magnifiques observations sont parfois possibles en pleine saison à partir des hauteurs.

Accessible à marée basse uniquement, nous devons commencer par longer la plage des Badamiers, où Alexis prend le temps de nous montrer les oiseaux de l'estran venus s'alimenter. Des Limicoles. Beaucoup d'oiseaux dont on m'a parlé mille fois en Bretagne -- "Tu vois là bas, c'est plein de p'tits tournepierres !" -- mais que je découvre réellement pour la première fois grâce à la longue vue ! Je reconnais tout de même un grand gravelot (merci Kévin). L'occasion également de voir pour la première fois de près un Héron. Les hérons, j'en avais déjà aperçu de loin sans avoir jamais tellement eu l'envie de m'en approcher, mais à travers les lentilles d'Alexis, et en écoutant ses précieuses explications, ces curieux oiseaux deviennent intriguants, passionnants, touchants. Il faut dire qu'une sortie ornitho avec un pro comme Alexis, et avec une passionnée comme Delphine a quelque chose de magique. Impossible de ne pas se prendre au jeu, et de ne pas ressentir cette petite frénésie lors de l'observation d'un bel oiseau. 

Mon Dauphin "là où il y a des requins"

Alexis et Delphine

Nous sommes arrivés au bout de la plage, et nous cherchons un petit coin d'ombre pour attendre quelques minutes l'apparition d'un Héron de Humblot, grand héron entièrement gris ardoisé. Pendant ce temps, Alexis nous propose d'aller derrière les fourrés, contre la falaise, pour ceux qui sont intéressés par la problématique du braconnage de tortue. Car la plage de Papani est très inaccessible et est une plage de ponte importante des tortues marines de Mayotte, le braconnage y est aussi très présent. Sans en avoir trop envie, mais curieuse de me confronter à cette aberration, je décide d'aller voir ça de plus près.

 Spectacle macabre. Je ne peux refouler le sanglot qui vient secouer mes épaules, serrer ma gorge, et embuer mes yeux. Véritable cimetière, une dizaine de carapaces sont disposées aux pieds de la falaise, brûlées par le soleil, attendant là dans un silence de mort. "Les carapaces déjà identifiées sont signalées par une marque à la bombe", m'explique Alexis. Souillées d'un coup de peinture rouge, comme une lacération suintante et sanglante, puis abandonnées là, ces restes de créatures marines incroyables parfois vielles de plusieurs centaines d'année ne sont finalement pas plus honorées dans la mort par les associations qui les protègent, que dans la violence de leur dernier souffle par les braconniers.

Chelonia mydas


Chelonia mydasChelonia mydasChelonia mydasChelonia mydasChelonia mydasChelonia mydas

 

Alexis & Delphine

Quelques dizaines de minutes passent, et nous repartons dans l'autre sens. Bien vite -- et c'est ça la magie de Mayotte -- mon esprit maussade et plein de rage envers ces hommes qui détruisent tout ce qui est beau, de tristesse pour ces êtres vivants massacrés, est dérangé dans son état des lieux de cette terrible île aux tortues. Des cris proches de caquètements me tirent de mon introspection et me font lever les yeux. Des dizaines de magnifiques oiseaux blancs à longues queues volent au dessus de nous, faisant des aller-retours entre la paroie de la falaise à gauche, et l'océan à droite. Élancés, graciles, et si légers dans leur ballet aérien ! J'en avais entendu parler bien sûr, j'avais vu des photos, des planches. Mais les voir en vrai. Quel oiseau incroyable que le Paille-en-queue, ou Phaeton. Des trois espèces existantes dans le monde, le phaéton à bec jaune (ou paille-en-queue à brins blancs) est coutumier des côtes de l'Île Hippocampe, y trouvant un refuge pour se reproduire et élever ses petits.

Nombreux dans le ciel et déjà émerveillée par leur vol et leur manière de creuser leur nid à même la falaise, les cabrioles étrangement synchrone de plusieurs oiseaux m'interpellent. Fascinant oiseau que le paille-en-queue, Alexis nous explique qu'en plus d'être si beaux, ils sont fidèles. Une fois le mâle et la femelle mis en couple, le duo reste ensemble jusqu'à la perte de l'un des deux. Ils se prêtent alors à des ballets aériens qu'ils semblent avoir répété toute leur vie tant le vol de l'un copie le vol de l'autre. Des chutes libres, des spirales des courbes, un coup à gauche, un coup à droite, ils exécutent avec brio leurs danses nuptiales. 

Phaethon lepturus                                         Phaethon lepturus          

 

 

 

 

 

 

 

De quoi avoir la tête dans les nuages... mais les nuages sont rares dans le ciel de Mayotte aujourd'hui, et la plage de Papani offre peu de points d'ombre. Nous voilà donc partis pour Moya 2, ou Petit Moya, où nous trouvons refuge sous un baobab pour un pic-nic les yeux dans l'eau.

Moya 4

 

Dernière étape de la journée, une petite rando dans les hauteurs de Moya, pour suivre toujours les Paille-en-Queues et les Hérons. Perdus dans la forêt, arpentant les chemins sinueux des agriculteurs entre manioc, bananier, manguier et terres défrichées, ça grimpe dur et la petite troupe a hâte d'arriver. Il fait chaud, tellement chaud. Et soudain, la pente s'adoucie, la végétation est de plus en plus clairsemée et... Ouah ! Quelle vue ! Nous sommes entre Moya 4 et Moya 3, en haut des falaises surplombant ces plages paradisiaques. Une eau turquoise et si transparente que nous voyons nager les tortues d'ici, et des roches formées de mille strates qui tombent à pic dans la mer si bien que je finis même par en avoir le vertige !

 

Moya 4                 Moya 4Moya 4

Des foudis rouges, ces petits oiseaux au plumage vermillon, des zostérops ou oiseau lunette, petite boule jaune au contour des yeux blancs, des souïmangas au dos vert irisé et au ventre jaune orangé... Tant de petits habitants de la forêt auxquels je n'avais jamais prêté attention ! 

Delphine  Triste nature  Ananas !

Jacquier

 


De l'autre côté de la colline, Moya 2 où nous avions mangé à midi. Incroyable à voir d'ici. La bonne occasion pour immortaliser cette belle journée : pause photo pour Alexis, sa soeur et son beau-frère, puis pour Delphine, ma p'tite fillotte et moi ! Difficile de trouver mieux que ce moment et cet endroits pour un arrêt sur image de sa visite ici. Paysage magique et moment incroyable où elle me fait partager sa passion.

La fillotte & la marraine !!

Un peu plus loin, nous avons la chance de voir deux jeunes hérons cendrés dans leur nid sur le flanc de la falaise. C'est impressionnant, ces grands oiseaux cachés dans un petit tas de quelques brindilles, posé sur de petits arbustes qui poussent on ne sait par quel enchantement dans la roche dure et brûlante de la falaise. Quel rêve !

 

Cuites par le soleil, la marche, et toutes ces émotions et découvertes, nous voilà de retour sur la barge. Des étoiles... non, des plumes plein les yeux, nourrie de toutes ces nouvelles informations sur ces organismes que je connais si peu, je pense que cette incroyable journée en compagnie d'Alexis est loin d'être la dernière...

 

Alexis & Delphine - Moya

 

 

Merci ma DD de m'avoir appris à apprendre à voler...

Moya 1 & 2

 

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YEAH !
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