Ca plane pour moi !

La petite île de Mayotte, située sur deux grandes routes migratoires, accueil tous les hivers austral de nombreuses populations d'oiseaux marins, profitant des espaces sableux ou rocheux qu'offrent les petits îlot du lagon, pour se reposer. Parcourant parfois des milliers de km, ces reposoirs peuvent héberger jusqu'à des dizaines de milliers de sternes et noddis bruns sur un même îlot. Même si elle ne représente pas une zone de reproduction, Mayotte offre donc à ces populations d'oiseaux marins un habitat clé pour leur écologie.

Or, avec l'augmentation des pêcheries, et surtout, des activités de plaisance dans le lagon de Mayotte, une pression de plus en plus forte pèse sur ces milieux. En effet, lors de sorties en mer entre particuliers, ou, massivement, durant les "Safaris" proposés par les prestataires, les plaisanciers débarquent très régulièrement sur les îlots découverts à marée basse, provoquant l'envol des groupes présents. Une dizaine de bateaux pouvant se succéder en une matinée, les oiseaux sont donc dérangés en permanence, et ces reposoirs ne leur permettent plus une escale de qualité dans leurs longs voyages.

Dans ce cadre, des mission de comptage des oiseaux marins sur ces sites ont été mises en place par le GEPOMAY, afin de dénombrer la fréquentation des oiseaux marins en migration et hivernage à Mayotte par mer, en lien avec le parc marin, et en suivi aérien, en ULM. Trois espèces sont principalement présentes : la sterne huppée (Thalasseus bergii), la sterne voyageuse (Thalasseus bengalensis), et le noddi brun (Anous stolidus). Sterne voyageuse et sterne huppée se distinguent par leur taille (la sterne huppée est un tier plus grande que la voyageuse), et par la couleur de leur bec (orange pour la voyageuse, jaune pour la huppée).

Bénévole active depuis quelques semaines à l'époque, j'ai pu en décembre participer avec deux amis, Jordan et Emma, au suivi des sternes du lagon via un suivi en Mer en partenariat avec le Parc Marin. Avec Alexis aux manettes, nous avions pu découvrir les espèces les plus présentes dans le lagon, comment estimer leur population, et les principaux sites où les retrouver. Le but de cette partie du suivi est, au-delà du dénombrement, d'invotorier les espèces "rares" présentes, comme, ce jour-là, une petite sterne naine.

Déjà incroyable comme suivi, après plusieurs mois à m'investir activement dans l'asso, j'ai eu la chance grâce à Alexis de participer aujourd'hui à l'autre volet de l'étude, visant à dénombrer précisément les effectifs présents grâce à des images aériennes en... ULM !!

7h du matin, après un beau lever de soleil depuis ma fenêtre, me voilà sur la barge en route pour Petite Terre. J'ai eu le pilote de Les ULM de Mayotte tôt ce matin, et malgré des conditions un peu compliquées, nous pourrons voler aujourd'hui ! Une fiche de renseignement, les mesures de sécurité d'usage, et nous filons au hangar, avec pour seul bagage le réflexe du GEPOMAY et son énorme zoom !

Première étape : îlot des aviateurs ! Du vent, un peu de pluie, pas facile de garder en main le gros appareil du GEPOMAY, tout en visant bien, ajustant le zoom tout neuf, et évitant le flou (artistique ?). Un survol, deux survols, j'essaye de prendre tous les oiseaux présents, mais pas tellement contente de moi. Je me souviens qu'Alexis m'a dit qu'étant tout proche de la piste, il était possible d'y repasser à la fin du suivi, j'aurais une autre chance pour peaufiner les captures.

Virant vers le sud, direction d'îlot de sable blanc, le ciel s'obscurcit et ne laisse rien présager de bon... Mais par chance, arrivés au site, un effectif important d'oiseaux est présent. Le bateau du parc est déjà sur place, avec à son bord Romain, Pierrina sa copine, Quentin et Nils. 

Malheureusement, au même moment, un bateau de prestataires plein de touristes venus en "safari" accoste l'ilot et fait débarquer ses passagers. Le temps de braquer mon objectif sur ces voyageurs des mers ailés, et je ne peux observer qu'un incroyable envolée. Ca y est, le troupeau d'Homo sapiens a débarqué, et comme souvent, le premier réflexe est d'aller vers la masse d'oiseaux pour prendre le magnifique Selfie-SableBlanc-EauTurquoise -OiseauxQuiSenvolent. Bien sûr, avant de découvrir le GEPOMAY et le monde des oiseaux, j'ai fait les mêmes photos, et j'ai trinqué à la vie un verre de punch à la main sur ces jolis îlots paradisiaques. Mais pour les professionnels du lagon, promenant les touristes à travers cet incroyable patrimoine naturel parfois depuis des dizaines d'années, il est très triste de constater le peu de cas qu'il est fait de ces reposoirs.

Après cette étape, le ciel s'obscurcit un peu plus encore. Juste assez pour se retrouver face à un paysage cataclysmique au niveau de la passe en S, célèbre fracture au sud de la barrière externe de notre beau lagon. Corail et sable vert clair du récif, lagon bleu foncé, et ciel mêlant différentes teintes de gris, bleu et violet, l'intensité de la vue m'évoque instantanément -- allez savoir pourquoi -- les tempêtes hivernales du Finistère...

Laissant le sud, la passe en S, et le gros temps derrière nous, notre petit équipage remonte rapidement l'île en la longeant par l'est. Îlot et baie de Sada, Tsingoni, cascade de Soulou, montées d tortues de Tahiti plage, lac Kerihani, vus d'en haut ces petites merveilles de Mayotte semblent bien différentes ! 

Au nord, les îlots Choizile, l'ilot M'tsamboro, un petit tour à la passe Longoni pour voir si les raies mata sont de sorties, et c'est re-parti pour le birds-shooting au niveau de l'ilot blanc, fief du seul far de l'île. Malgré la difficulté de l'exercice (il n'est finalement pas aisé de prendre des photographies depuis le ciel !), le plane complètement, au propre, mais aussi bel et bien au figuré. Il suffit que je pense un dixième de seconde que je suis en plein ciel à Mayotte pour photographier des oiseaux (et en plus gratuitement pour une asso géniale !), et je me met à rire sous mon casque tant la situation me semble incroyable et merveilleuse !

En redescendant vers Mamoudzou, un appel du pilote me fait baisser les yeux vers les flots, et reprendre pieds dans la réalité... pour repartir aussitôt : un banc de dauphin danse dans les eaux du lagon juste en dessous de nous ! 

Mamoudzou se distingue désormais au loin, et à l'approche de la ville, la mangrove de Kaweni nous offre toute sa splendeur. Cette mangrove dont on parle tant, véritable repère de brigands si on en crois les dires de la populace est tellement belle vue d'en haut. Les palétuviers se découpe sur la mer, et entre deux envols de crabiers blancs, je me rappelle mon excursion photographique d'il y a quelques mois par voie terrestre entre leurs tortueuses racines. Difficile de penser qu'il s'agit du même endroit. 

Mamoudzou, l'amphidrome, le marché couvert, la barge, et même mon chez moi, je redécouvre cette ville qu'il y a 9 mois encore je ne connaissais pas, et le sentiment que cela me provoque me surprend. De la tendresse pour cette ville qui est devenue la mienne, et un petit pincement quand mon départ dans quelques mois vient troubler ma contemplation. Certains diront qu'il ne s'agit que d'une ville qui défigure le beau paysage, et qui est toute pleine de misère et/ou de M'tzougous trop riches, mais c'est comme ça, je m'y suis attachée !

Autre "beau" cliché de Mayotte, en virant vers Petite Terre, nous croisons les barges en pleine mer. Premier transport maritime de France, c'est un peu notre métro à nous ! 
                 En Petite Terre, pas de sternes sur les reposoirs de la vasière des Badamiers, mais j'en trouve en vol, ainsi que bon nombre paille-en-queues, ce oiseaux qui semblent tout droit sortis du pays de Rêverose, en longeant les falaises de Moya !

Il nous reste juste le temps de refaire un petit tour à l'îlot des aviateurs pour compléter les clichés du début de suivi, avec succès ! Encore beaucoup de sternes et noddis malgré la montée de la marée durant le vol, et le beau temps étant revenu et le vent tombé, les photos ne devraient pasêtre trop difficiles à exploiter (en comptant un à un les oiseaux de chaque espèces sur photoshop !).

                 

Des étoiles plein les yeux et les jambes en coton, après un atterissage tout en douceur, je quitte mon pilote avec un énorme sourire sur le visage, croyant à peine à l'heure et demie passée en vol.

Pas bannal de faire un suivi ornito les oiseaux au sol et moi dans les airs ! 

Merci Alexis !!