Kaweni et sa mangrove : prise de risque
Il y a des jours comme ça où quelque chose se casse, et où on se réveille avec l'envie de se mettre en danger, de prendre des risques.
Et ici, prendre des risques, cela peut consister si on en croit l'opinion commune, à aller prendre quelques photos dans les mangroves en bord de routes sous le soleil de Mayotte. Alors ni une ni deux, me voilà partie à petons jusqu'aux mangroves (15 minutes de la maison). Après avoir dépassé les vendeurs de vêtements à l'abris des palétuviers, je quitte la route bondées de voitures fumantes sous le soleil de plomb pour m'enfoncer dans la mangrove.
La mangrove est incroyable. Comme tout ici du reste. Les palétuviers recouvrent une grande surface entrecoupée d'étandues d'eau et de sable. Entre les zones denses de végétations, à marée basse, les pêcheurs laissent leurs embarcations hors d'eau. Barques traditionnelles en bois peint, elles ne sont pas sans me rappeler le Bénin, des abords de Cotonou aux plages paradisiaques de Ouidah, en passant bien sûr par la belle citée lacustre de Ganvier, la Venise de l'Afrique.
Malheureusement comme partout ici, la trace de l'Homme n'est pas que beauté. La densité de déchets anthropiques de toute nature et de toute taille me blessent et m'atristent. Pneus usagers abandonnés sur l'estran, canettes, bouteilles et sacs plastiques partout entre les racines, sacs de ris et même soutiens-gogres sur les troncs d'arbres, triste paysage dans une nature si belle.
Pourtant, suivant le chant d'un oiseau, je fouille les arbres alentours à travers toutes ces épaves abandonnées. Et là, d'autant plus percutant dans ce lieu si souillé, un petit oiseau noir au bex jaune me regarde. Prenant la pause, il cesse ses vocalises, arborant un air grave et important. Le temps de prendre deux photos, le voilà repartit me laissant seule avec moi-même.
Seule ? Peut-être pas... Un jeune homme vient alors à ma rencontre. Qu'est ce que je fais ici, où est mon mari (question difficile !), pourquoi mon mari n'est il pas avec moi, qu'est ce que je fais toute seule ici... Les questions pleuvent et je ne peux m'empêcher de remarquer les nombreux regards lancés à mon Reflex accroché à mon cou. Mais je suis ici pour prendre des photos de la Vie ! De la Beauté ! Et pour l'envoyer jusqu'en métropole pour témoigner de la richesse de cette belle île qu'est Mayotte. Mes réponses, mes attitudes, ma chaleur et mon émotion l'ont déstabilisé. là où certains se seraient mis à courir ou crier, j'ai pris mon parti d'être moi et de partager mon amour de la Vie. Et j'ai pu comprendre ce que me disait Clémence, l'ancienne VSC : "Ici on te renvoie ce que tu donnes", car, malgré quelques coups d'oeils furtifs à mon appareil, nous nous sommes quitté le jeunes homme et moi le sourire aux lèvres se souhaitant tout le bonheur du monde pour cette année à venir.
En remontant sur la route, deux personnes en voiture m'apostrophent pour me dire que la madame ne doit pas rester seule dans la mangrove, que c'est dangereux, et que la madame doit ranger sont appareil sinon elle va se le faire voler (la madame ? Pourquoi pas la Bouéni ?).
Qu'à cela ne tienne, je préfère un appareil volé qui a pris mille photos d'aventures qu'un appareil préservé caché un an dans un placard, et vivre dans la confiance et la considération de mes prochains que dans la haine et la terreur !