Première Nyamb-bilisation : prise de conscience

A peine un jour que j'ai rejoint l'association Oulanga Na Nyamba, et déjà, me voilà sur la barge, direction Petite Terre, où Mathieu et Quentin, équipe de choc de l'asso m'attendent.

Ce matin, direction L'abbatoire 7, une des nombreuses écoles primaires de Petite Terre. Avec le nouveau rythme scolaire, certaines classes n'ont pas cours de 10 h 30 à 11 h 45, ce qui permet aux jeunes qui ne rentrent pas à la maison de participer à des activités et animations périscolaires. C'est l'occasion donc pour l'association de proposer des activités de sensibilisation sur l'environnement, et les tortues marines, aux enfants de l'île.

Une grande première pour moi ! Travailler dans l'animation, travailler dans le domaine scolaire, travailler dans les thématiques de l'environnement, je l'ai déjà fait, mais tout ça en même temps...

Pour les enfants de cette école, c'était la troisième intervention de l'association. Première prise de contact en attendant les clés de la salle (hé oui, ici comme partout, la thématique de la "clé de la salle qui est fermée et où j'ai cours", est bel et bien présente !), les enfants n'ont pas la langue dans leur poche ! Ils savent déjà plein de choses sur les tortues. Habitant tous sur Petite Terre, spot incontournable des pontes de tortues vertes, je leur demande s'ils en ont déjà vu. Et surprise, sur la quinzaine de jeunes de 6 à 9 ans en face de moi, seule une petite fille me répond oui avec un grand sourire ! "Oh ! Et tu l'as vue où cette tortue ? C'est impressionnant hein ? Je trouve ça énorme !" "Oui, c'est très gros, j'en ai vu une une fois à la télé." ...

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C'est à ce moment qu'on réalise l'importance de la sensibilisation à l'environnement. Je le savais déjà, le lien entre l'homme et la mer est bien différent selon l'endroit du monde où l'on se trouve. Au Bénin déjà, cette relation m'avait frappée. Mais sur une si petite île (Petite Terre fait environ 11 km2), avec tant de plages, dont deux des principales plages de ponte de l'île, ce peu de curiosité et même cette méfiance envers les eaux turquoises du lagon est, bien qu'intelligible, difficilement concevable. Comment condamner une poignée de braconniers lorsqu'on entrevoit le manque de connaissance des jeunes enfant de leur propre île, et de ses habitants. De ses habitants oui, car si les médiats font grand cas des enfants et des jeunes de Mayotte, le premier touché par la misère matérielle et psychologique de l'Homme à Mayotte est bel et bien son environnement.

Déforestation due à l'accroissement des bidonvilles qui s'étendent toujours plus loin autour des villages, à cause des cultures sauvages de banane, manioc, songe, maïs, pour nourrir des familles vivant dans la pauvreté, pollution des cours d'eau à cause des rejets d'eaux usées, de macro-déchets... Car oui, Mayotte est un département français, mais oui, de nombreux quartiers populaires et villages ne bénéficient pas de containers et de ramassages hebdomadaires des déchets, et oui, la collecte et le traitement des eaux usées n'est pas la priorité.

Triste constat, tout va très vite dans la tête à ce moment, cette petite heure de sensibilisation prend alors tout son sens. L'occasion également de repenser à deux des piliers du scoutisme -- oui, même si ce blog le fait un peu oublié, c'est chez eux que j'éffectue mon Volontariat -- qui prennent un peu de leur sens ici : "éduquer des garçons et des filles" ; "Habiter autrement la planète". Petit rire jaune, finalement ces "préceptes" vivent ici d'avantage à l'extérieur du mouvement qu'entre ses mailles...

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Trève de digression ! Retournons à nos tortues, euuh... à nos jeunes écoliers ! Après l'accueil des enfants, la rencontre des animatrices périscolaire et de deux autres bénévoles de l'association, l'installation dans la salle, il est temps de jouer ! L'asso a développé de nombreuses activités, dérivées de jeux déjà existants, pour permettre aux différents âges de découvrir le monde de ces étranges créatures marines tout en passant un bon moment. 1, 2, 3 Héron, Turtle Speed, Chamboul'Tortues, Plage et Mer, le Voyage de Nyamba, Nyamba Miam... Des jeux où on court, des jeux où on test ses réflexes, où on se pose des questions, où on test ses connaissances, il y en a pour tous les goûts !

              

Pour ma première fois, je reste dans le simple, en animant le Turtle Speed. Même principe que le Jungle Speed (oups, marque déposée ?), mais avec un totem tortue, des cartes tortues, et le plus important : une règle en plus ! Effectivement, ici, si on se trompe, on a une chance de se rattraper en tirant une carte "Question-Nyamba". Tu trouves la bonne réponse ? Bravo ! Tu continues ! Non ? C'est pas grave, aura juste quelques cartes en plus. Les questions proposées sont de tous niveaux et portent -- bien sûr -- les tortues de Mayotte. Et pas toujours simples les questions ! J'en évince même quelques'unes dont je ne suis pas très sûre de la réponse (l'occasion pour moi d'apprendre plein de choses à la fin de l'animation, en reposant toutes ces question à Quentin et Mathieu).

Explication des règles (par les copines qui connaissent, reformulation, re-reformulation, re-re-reformulation), et c'est parti ! Motivées dès le début du jeu, les petites (hé oui, je n'avais que des nanas ! Et Quentin pas mal de garçons...) ont rapidement pris le coup de main. Mais quand sont arrivées les premières questions... Incroyable ! Au lieu que le temps des questions soit un moyen de ne pas perdre, le jeu est devenu un moyen de répondre aux questions. Que ce soit pour lire les questions, pour y répondre, ou pour aider, tous les enfants étaient vraiment impliqués, menaient de vrais raisonnements, et avaient une curiosité incroyable face à tous les petits détails que je pouvais leur apporter, et qui amenaient d'autres questions, les leurs cette fois-ci. 

  

J'ai également été frappée par leur bonne connaissance des tortues. Nous étions à leur troisième intervention avec Oulanga Na Nyamba, mais tout de même, le vocabulaire, le nom des espèces, les menace, le cycle biologique... J'ai vraiment été surprise par la quantité d'informations retenues, et par leur précision.

Une heure de jeu plus tard, il était temps pour nous de repartir, et pour eux d'aller manger (les plaintes de certains estomacs avaient déjà donné lieu à de beaux éclats de rire partagés).

Des idées, des questions, des interrogations plein la tête et surtout, surtout, pleine de curiosité pour cet univers à la marge des préoccupations environnementales, des connaissances scientifiques et de l'éducation, ouvrant tant de perspectives, la Nyamba-car m'a re-déposée à la barge, où j'ai pu laisser mon esprit voguer sur le miroirs d'eau du lagon, m'attendant presque à voir une tête ronde et vert foncée brisée sa surface, me rappelant la jolie matinée passée.

Une chouette équipe que celle d'Oulanga Na Nyamba, et une chouette expérience pour ces premières 24 h d'adhérente :)